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l’art pour les enfants : Pourquoi l’art serait-il si bon pour nos enfants ? Chercheurs, psychologues, pédagogues et commissaires d’exposition répondent à cette question primordiale.
Qu’apporte réellement l’art pour les enfants ?
Tous les spécialistes rencontrés ont réfléchi à cette question. Si leurs réponses s’accordent, leurs méthodes sont différentes. Les uns, comme Claire Bresson d’Arty Family, souhaitent bien sûr instruire nos enfants mais aussi aller beaucoup plus loin. Les autres, comme Claude Sternis, pensent d’abord à l’épanouissement personnel de l’individu. Ainsi, les ambitions de ceux qui inventent une nouvelle pédagogie pour changer la société convergent. Car les enfants font et sont le futur.
L’ART POUR LES ENFANTS : S’OUVRIR À LA DIVERSITÉ DES POINTS DE VUE
Parce qu’elle se rend compte que seul un public averti côtoie les lieux d’expositions, Claire Bresson décide de créer un lieu accessible. Elle fonde à Paris Arty Family, pour les enfants. « Ce qui est chouette avec eux, c’est qu’il n’y a pas de j’aime / j’aime pas, Ils demandent qu’on leur raconte ce qu’a fait un artiste, Ils ne critiquent pas. Ils cherchent à comprendre. Et si ça leur plaît, ils vont plus loin. » Son atelier et espace d’exposition accueille des œuvres d’artistes reconnus : Claire voit grand pour les enfants. Côté instruction, c’est pareil. « Pour l’exposition de Xavier Veilhan, on a parlé d’art minimal, d’art cinétique, d’habitat primitif. Les enfants arrivent ainsi à comprendre ce qu’il s’est passé avant.
DES POINTS DE VUE
Parfois, on compare deux époques différentes à travers deux artistes qui ont abordé le même sujet, tel Vélasquez et Picasso. » Inspirées par les éditions des designers Ronan et Erwan Bouroullec, Juliette, 8 ans, a imaginé des glaçons géants pour rafraîchir l’espace. Isaure, 5 ans, a dessiné une machine à laver les maisons. « On ne fait pas ‘ à la manière de ’. Je les pousse à développer leurs imperfections pour en faire quelque chose, s’en servir. » Au bout de 5 semaines, ils organisent une exposition et rencontrent les artistes.
L’objectif de Claire est avant tout d’instruire et de développer la sensibilité artistique. Mais elle ne s’arrête pas là. Sans le conscientiser, elle leur transmet une façon d’appréhender la vie : être curieux, avoir confiance en soi, voir le monde à travers différents prismes, plusieurs sensibilités et rêver. Pendant les attentats de novembre 2015, ses enfants lui parlent des terroriseurs.
« On a passé une semaine à parler de l’amour dans l’art, de la Renaissance à nos jours. » Je ne suis ni prof ni éducatrice, j’amène de la magie. En trois jours, le mot terroriseur a disparu. Voilà l’importance de l’art contemporain.»
L’ART POUR LES ENFANTS : DONNER CONFIANCE EN SOI
« L’art permet de se connaître mais aussi de savoir que chacun est un humain valable, que chacun a des qualités, des capacités. Il revalorise. L’école met un peu de côté cette dimension humaine, profonde : en valorisant les chiffres, les images convenues, en ne permettant pas de dessiner un homme en bleu ou vert. » Claude Sternis est psychologue clinicienne et psychanalyste spécialisée dans les relations entre l’art et l’enfant.
Pour elle, ce n’est pas ce qui est créé qui est important mais le chemin pour s’exprimer. « Le concept d’expression est un concept que nous devons au psychiatre autrichien Hans Prinzhorn. En 1929, il a découvert qu’il était extrêmement important que les gens puissent s’exprimer, créer, et que tout le monde était capable de le faire, y compris les malades en psychiatrie dont il s’occupait.
Les enfants, comme les adultes, vont avoir quelque chose de leur humanité qui va se développer si on les laisse expérimenter, dans tous les domaines possibles. »
Depuis 22 ans, Claude Sternis dirige l’association Asphodèle Les Ateliers du pré pour former des animateurs d’ateliers d’art plastique, d’art du corps ou d’écriture. Ils y apprennent la façon d’animer un atelier récréatif ou de psychothérapie, selon ce qu’ils souhaitent faire passer : un bon moment, exprimer sa créativité, rencontrer les autres dans un groupe. « Chez nous, le cadre, c’est l’organisation et les règles. À l’intérieur de ce cadre, c’est libre. L’enfant peint ce qu’il veut. Par contre, on doit dès le départ définir ce qu’il advient des peintures.
Vont‑elles être exposées, gardées dans le lieu, récupérées par l’enfant ? Car on n’agit pas de la même manière si on dessine pour soi ou pour les autres. » C’est aussi l’avis d’Arno Stern, à l’origine du Jeu de peindre.
« Le propre d’une œuvre, explique‑t‑il, c’est d’être accueillie, de communiquer quelque chose. Or dans le jeu, il n’y a jamais de produit. Un jeu consiste à vivre un moment sans spéculer sur un objet qui sera regardé. S’il n’y a pas de destinataire, la trace est d’une tout autre nature. »
PRENDRE LE TEMPS
L’art est un moyen de regarder et de communiquer avec le monde. Créer, c’est résoudre des problèmes techniques, faire des choix. Il permet aux enfants de raisonner, de comprendre mais aussi de se concentrer. Dans notre société, les enfants évoluent dans un environnement
qui fait continuellement appel à leurs sens. Dérangés par les bruits, les images, le rythme effréné imposé par l’adulte, ils ne peuvent prendre le temps.
Ils ne peuvent se concentrer. Et ils n’ont pas le droit de s’ennuyer, alors que l’ennui leur permettrait d’imaginer, de rêver, de penser. L’enfant contemporain doit produire, continuellement. Le temps de l’art est un temps en suspens, un temps qui permet de s’offrir un temps pour soi.
« Les adultes considèrent parfois le media plastique comme du temps perdu, contrairement à l’écriture qui leur paraît plus utile et sérieuse dans nos sociétés », constate Claude Sternis.
