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Marc Simoncini : "Emmanuel Macron est formidable"

Marc Simoncini : "Emmanuel Macron est formidable"


Pull cachemire col en V, jean brut, New Balance 990 bleu-blanc-rouge : Marc Simoncini nous reçoit en toute décontraction dans son grand bureau parisien au numéro 1 de la rue François Ier. À quelques mètres de la table ronde où nous siégeons se tient sa nouvelle création : un vélo nommé Heroïn. Un modèlé de course version luxe pour les amateurs de bicyclette et d’objets rares, le vélo en carbone valant en effet 14.900€ (il est édité à 349 exemplaires). Sans jamais consulter sa montre Panerai Luminor en titane, une édition limitée à 2000 exemplaires  (« Comme je suis ne pas très soigneux, j’ai besoin d’une montre solide. »), il va nous vanter les mérites de son deux roues – pour lequel il a investi « plusieurs millions d’euros » – avant de disserter sur l’actualité d’un pays qu’il refuse absolument de quitter. 

Pourquoi avoir fabriqué ce vélo de luxe ?

J’ai réalisé à 50 ans (il a en aujourd’hui 53, ndlr) que tout ce que j’ai fait dans ma vie faisait zéro gramme. Je n’avais rien fabriqué, rien produit de réel. Il fallait enfin faire quelque chose qui existe. J’ai commencé par des dameuses de 10 tonnes chacune pour les pistes de ski (il a injecté près de dix millions d’euros dans la société Aztec via son fonds Jaïna Capital, ndlr), avec des gros moteurs. Cela m’a bien plu. Et puis j’ai découvert le vélo il y a cinq ans. Un sport que je n’aimais pas du tout. Je fais beaucoup de sports (planche à voile, kitesurf, ski, tennis…) mais le vélo, franchement, je trouvais cela ridicule. Mais un jour j’ai eu l’opportunité de monter sur un beau et bon vélo et j’ai découvert que la bicyclette était un sport de glisse lorsque l’on avait le bon matériel. Et je ne suis jamais redescendu d’un vélo, c’est devenu une vraie passion. Je regarde même le Tour de France alors qu’avant je ne comprenais pas à quoi cela servait…

Qu’a-t-il de particulier ce vélo 100% noir ?

Déjà, il est beau, en carbone, même si je concède que cela est subjectif. Et surtout, c’est le meilleur, et là c’est objectif. Nous avons travaillé quatre ans dessus, avec une petite équipe de quatre personnes. Nous avons fait des tas de dessins, des tonnes d’essais, une dizaine de prototypes. Tout a été poussé à l’exrême pour offrir ce qui se fait de mieux. Nous avons amélioré la pénétration dans l’air en s’inspirant des balles de golf, nous avons abandonné les boyaux des roues pour des vrais pneus, enlevé tous les câbes à part le frein à main. Et pour le reste (dérailleur, pédaliers, groupe électronique…) nous avons fait appel aux meilleurs constructeurs du monde. 

Vous voilà donc en selle sur une nouvelle activité, après Meetic, le cinéma, les lunettes…

Il faut absolument que je fasse tout cela car sinon je m’ennuie. Et aujourd’hui à part lé vélo et Sensee (sa marque d’optiques, ndlr), je ne fais rien.

Le fonds Jaïna Capital avec plus d’une centaine de boites que vous gérez, c’est donc « rien »…

Je réponds à trois mails, je dis non, je dis oui, c’est tout. Oui, j’investis dans 150-200 sociétés depuis sept ans. J’en revends certaines, d’autres ferment. Les gamins viennent me voir avec leurs objets, leurs idées… Cela me permet de rester dans l’air du temps. Mais, ce n’est pas grand chose.

Pourquoi vous n’arrêtez pas alors ?

Si je ne fais rien, je suis comme un vélo, je tombe. Après, une question se pose effectivement car j’ai encore 6-7 ans d’activité avec Sensee : est-ce que je réinvestis encore pour 10 ans après pour rester à jour sur Internet ? La réponse est non. Je ne me vois pas investir dans des start-up à 62 ans… C’est ridicule. Il est temps que j’arrête d’essayer de suivre ce qui passe dans cet univers car je suis complètement largué.

Comment se porte Sensee, votre marque de lunettes made In France ? 

C’est très compliqué. Le challenge est complètement différent de Meetic. Déjà, le marché de l’optique est un scandale. Humainement, on ne peut pas laisser cela comme ça. Le problème est que c’est un secteur régulé, or je n’ai jamais travaillé sur ce genre de marché. Pour pouvoir dire que l’on mettait et vendait des lunettes pas chères sur Internet, il a fallu que l’on affronte quatre lois différentes, pendant quatre ans, chacune défaisant ce que l’autre avait fait. Puis il fallait ensuite attendre que les décrets sortent… Ce fut un cauchemar juridique et réglementaire. J’ai pu seulement commencé mon aventure lunettes en janvier dernier. J’ai perdu quatre ans sur un projet que j’avais estimé à dix ans. Mais je suis intimement convaincu que les gens finiront par faire attention aux prix de leurs lunettes. Quand les Français comprendront que lorsqu’ils poussent la porte d’un opticien pour aller chercher des lunettes gratuites, ils les ont déjà payées 240€, je leur dirais « arrêtez de cotiser 240€. Pourquoi payer un tel prix alors que vous pouvez avoir des modèles made in France pour 49€ ? » Ça viendra… même si ce sera long. Peut-être avec un switch de génération. Mais tant mieux finalement, ça m’occupe !  

Avec le recul, que pensez-vous de votre Meetic, créé en 2001 et dont vous êtes aujourd »hui totalement désengagé ?

C’est beaucoup plus gros que ce que j’avais imaginé au début puisque je faisais cela pour m’occuper, un hobby. Après, en tant qu’entrepreneur, je suis fier pour une bonne raison : à date, je crois que c’est toujours la seule boite française qui a été leader sur douze ou treize marchés en Europe. Des boites qui ont du succès en France, il y en a plein. Mais numéro 1 en Angleterre, Espagne, Allemagne, Danemartk, Suède, Brésil… Personnellement, je suis également très fier de Meetic car chaque semaine encore des gens m’arrêtent dans la rue pour me dire « merci, j’ai deux enfants… ». Personne ne m’a jeté des pierres ou traiter de salaud à cause de Meetic. Alors qu’il y a dû y avoir pas mal d’échecs de couples quand même ! Lorsque je suis parti de Meetic, les couples et bébés se comptaient en centaines de milliers. J’ai peuplé une ville entière ! 

Quel regard portez-vous sur la French Tech ?

Nous sommes les papys, nous sommes restés en France, nous avons construit des leaders de la techno française. Je dis « nous » en parlant de Xavier (Niel, ndlr), Jacques-Antoine (Granjon, ndlr), Pierre (Kosciusko-Morizet, ndlr)… Qu’il y ait une génération qui nous suive et se dise « on va faire comme eux, voire mieux », c’est génial ! Mais ce n’est pas étonnant, la France est un pays tellement compliqué, c’est un tel bordel que les Français sont habitués à se débrouiller. Le système D, c’est français. Il y a trop d’impôts ? Je me débrouille. Trop de réglementations ? Je fais ça. Un entrepreneur est quelqu’un qui se débrouille, plus il y a de problèmes plus cela lui donne des opportunités de trouver des solutions. Cela fait une belle généartion de gens. Le covoiturage, ce sont les Français qui l’ont inventé, la location de voitures entre particuliers aussi. Nous sommes très doués. La France est un gros pays dans le monde Internet, proportionnellement à sa taille.


Marc Simoncini, Jacques-Antoine Granjon, Xavier Niel. © Martin Bureau/AFP

Quelles réussites admirez-vous aujourd’hui en France ?

Mes copains déjà ! Ce qu’ils ont fait est dingue ! Vente-privée, Free… Et puis la jeune génération avec Criteo, Blablacar, Devialet qui a fait le meilleur son du monde depuis la Normandie avec quatre ingénieurs, le tout contre des mastodontes mondiaux. Dans un si petit pays que ça, nous faisons des choses formidables. Il ne faut pas oublier que lorsque l’on court un 100m, l’Américain est en short alors que nous en sommes avec des godillots et un sac sur le dos. Parfois on gagne, c’est fou ! Mais c’est la réalité.


Pour quelles raisons restez-vous en France alors que d’autres grandes fortunes ont choisi l’exil fiscal ? Je sens que ce sujet va vous plaire…

Je ne comprends pas par quelle logique, après avoir eu la chance de réussir financièrement dans ma vie, j’irai me coller dans un pays que je n’aime pas pour avoir plus d’argent. À quoi ça sert en fait ? Pourquoi se mettre en exil ? Pour l’argent ? Je m’en fous ! Ce qui me met en colère, ce sont les gens qui le font pour des raisons fiscales et se plaignent du pays en disant « c’est l’enfer », « y a rien qui marche »… Revenez si vous voulez que cela change ! Nous avons besoin d’argent, pour améliorer la sécurité, l’éducation, la justice… Et si vous trouvez que la fiscalité n’est pas bien, que les politiques sont nuls, que la France est mal gérée, peut-être ! Mais venez le dire là, et venez faire que ça change ! Ne le faites pas planquer derrière les sapins en Suisse ou en Belgique, c’est néfaste pour notre pays. Revenez, payez vos impôts, faites changer les choses. Ça, ça a du sens.

Politiquement, vous avez affiché votre soutien à Emmanuel Macron. Pourquoi lui ? 

Je le connais bien, d’un point de vue personnel. C’est quelqu’un de formidable, qui a toutes les qualités pour être là. Mais, les Français étant devenus tellement effrayés, réticents et en colère contre le système, j’ai peur qu’ils aillent voter pour des gens hors système, ou qui se disent hors système. Le seul qui se dit hors système, c’est le FN bien qu’il le soit jusqu’au cou. Alors que Macron est hors système lui ! Il n’est pas élu, il n’a pas besoin de la politique pour vivre, il pourrait gagner tellement plus avec son métier. S’il est là, c’est qu’il a des convictions et qu’il veut faire changer les choses. Il est donc clairement une alternative hors système. Il y en d’autres, comme a pu l’être Nicolas Hulot et d’autres qui vont arriver. Il faut une alternative au FN, avec quelqu’un qui ait les qualités pour le faire. On me dit « oui, mais il est dans le gouvernement donc dans le système ». Certes, mais il est juste salarié du gouvernement, il peut partir demain matin et, surtout, la politique n’est pas son métier. Je soutiens donc son mouvement (« En marche ! », ndlr).


Emmanuel Macron, futur candidat à l’éléction présidentielle de 2017 ? © Bertrand Guay/AFP


Revenons à quelque chose de plus léger, le cinéma. Comment qualifiez votre expérience de producteur dans ce milieu ?

Quand j’ai créée Meetic, ma seule vraie passion était la lecture. Je voulais monter une maison d’éditions sur Internet, ce que d’autres ont finalement réalisé 20 ans plus tard avec Goodreads, rachetée par Amazon. Je regrettais de ne pas travailler dans les arts. J’ai donc financé une boîte de théâtre qui est devenue un gros producteur. Mais cela était trop confidentiel, je me suis donc dit que j’allais m’attaquer au cinéma. Même si je savais que j’investirai à perte car je cible les films d’auteurs, de gens jeunes, dont c’est le premier ou le deuxième long métrage, qui ont un message à faire passer. J’en ai fait cinq, je vais continuer mais…

Vous semblez déçu de cette expérience…

La manière dont est géré et financé le cinéma français depuis 15-20 ans va s’écrouler. Il va falloir penser à une nouvelle façon de financer et distribuer des films en France, c’est obligatoire. On y est déjà avec Canal + qui baisse de 30, 40, 50 millions sa dotation mécanique au cinéma français, cela représente 100 films qui ne se feront pas cette année. Et puis la chronologie des médias ne peut pas perdurer, on ne peut pas attendre autant de temps (4 mois) entre les sorties en salles et la VOD. C’est un cauchemar. J’essaie de changer les choses dès maintenant, je vais voir, mais faire des films avec du fond… Il n’y a aucune modèle business à en attendre, c’est juste une passion. Vous saviez que sur les 250 films faits en France en 2015, 100 ont fait moins de 5000 entrées… ? Il y a pourtant des films formidables. Du coup, le message ne passe pas. Sauf aux Césars qui, heureusement, récompensent des films très peu vus. Le premier film que j’ai produit, celui d’un ami, a fait 20.000 entrées « Arnaud fait son 2ème film ». Un désastre donc. Mais il y a trois mois, un journal a titré « Les 5 chefs-d’œuvre français que les gens ne sont pas allés voir au cinéma ». Il était dedans ! J’étais content. 

Finissons notre interview par l’ADN de GQ : la mode. Vous êtes plutôt costard-cravate ou chino-sneakers ?

Je n’ai pas mis un costume depuis deux ans je crois. Ce qui m’a valu de me faire virer de quelques restaurants où des grands patrons m’invitent. J’arrive comme je suis aujourd’hui, on me dit de repartir. J’ai beaucoup de costumes pourtant, mais je ne les mets pas. Je suis plutôt chino ou jean, avec baskets. Vous remarquez d’ailleurs qu’elles sont bleu-blanc-rouge.


Pourquoi ne pas faire des sneakers made in France alors ?!

J’ai failli ! On m’a proposé d’investir dans des baskets françaises mais c’est la mode des gamins d’aujourd’hui et moi ça ne me parle pas trop. J’aime ce qui est retro, chez Nike, adidas… Je ne peux pas attendre que celles que je vais créer soient rétro, je serai déjà dans le trou ! Et puis la fringue, la mode, ce sont des domaines auxquels je ne connais rien. On ne va pas faire n’importe quoi quand même…

Suivez l’auteur sur Twitter : @JPatrelle

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Written by FLASHMAG

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